Enseignant d'EPS : un métier en mutation
Sous la direction de Julien Fuchs, Alain Vilbrod, Élodie Autret
Code : 11075 - 2013 - 9782867134555 - 16 cm x 24 cm - 200 pages
Collection : Recherche et formation
En rien épargnée par le lot des critiques adressées au système scolaire, l’éducation physique et sportive paraît bien aujourd’hui être à la croisée des chemins. Réformes à répétition de la formation des enseignants d’EPS, incidences sur la discipline de la transformation des modes de gestion des établissements, tendance à l’externalisation de l’EPS ou encore permanence de tensions internes liées aux récurrentes oppositions idéologiques et générationnelles entre enseignants : les évolutions en cours dans le métier sont nombreuses et mobilisent la corporation.
Les auteurs de cet ouvrage, spécialistes de sciences sociales et reconnus pour leurs travaux qui portent notamment sur l’identité professionnelle des enseignants d’EPS, interrogent, chacun à leur manière, la façon dont ces derniers ressentent les changements et y réagissent.
Les recherches exposées, originales et souvent inédites, contribuent à analyser ce qui est aujourd’hui en jeu pour ce métier en pleine mutation. Il en ressort en particulier que ce groupe professionnel, plus composite qu’on ne pourrait le penser, mais très uni quand il s’agit de défendre la place de l’éducation physique à l’école, sait cultiver ses différences. Les défis sont de taille, mais les enseignants d’EPS disposent de bien des ressources pour y faire face et assurer encore un bel avenir à leur discipline.
En ce sens, cet ouvrage dresse des constats, renouvelle les connaissances sur le métier d’enseignant d’EPS et, ce faisant, permet de mieux repérer quels sont les leviers pour conforter une discipline singulière au sein d’une École qui n’en finit pas de douter d’elle-même.
DISPONIBLE EN NUMERIQUE
Introduction
Les enseignants d’EPS, un corps professoral en tension
Julien Fuchs, Alain Vilbrod, Élodie Autret
Première Partie
Devenir enseignant d’EPS : milieu social et vocation
Chapitre 1
Les professeurs en EPS : portrait social d’un groupe bien intégré
Alain Vilbrod
Chapitre 2
Devenir enseignant d’EPS : une vocation ?
Bruno Papin
Deuxième partie
Tendances historiques
Chapitre 3
L’image du futur enseignant d’EPS à travers l’écrit 1 du CAPEPS externe (1979-2012)
Julien Fuchs
Chapitre 4
La fin de la pédagogie en EPS : une analyse du discours des acteurs et des textes officiels (1980-2011)
Jacques Gleyse
Troisième partie
De la formation à la carrière : le sens des itinéraires professionnels
Chapitre 5
Dynamiques identitaires des enseignants d’EPS : groupe(s) et individus
à l’épreuve du temps et des contextes de travail
Thérèse (Tizou) Pérez-Roux
Chapitre 6
La formation au cœur du processus de construction identitaire professionnel des étudiants en EPS
Élodie Autret
Chapitre 7
Quelle(s) professionnalité(s) attendue(s) par l’institution aujourd’hui ?
Dominique Bret
Quatrième partie
Un métier en mouvement : quelques innovations pédagogiques
Chapitre 8
Le métier de professeur d’EPS et l’épistémologie des savoirs scolaires
Cédric Roure
Chapitre 9
Construction d’un dispositif de formation innovant pour préparer les futurs enseignants d’EPS à entrer dans un métier en mutation
Jérôme Guérin
Mise en perspective
Les uns avec les autres : les professeurs d’EPS dans le monde enseignant
Chapitre 10
Entre vocation et préservation de soi : les jeunes enseignants et leur métier
Bertrand Geay
La première partie de ce livre donne le ton. En prenant appui sur une toute récente étude sociologique, Alain Vilbrod interroge l’image largement cultivée de la singularité des enseignants d’EPS. Il apparaît qu’à bien des égards, on a affaire à un groupe professionnel relativement bien intégré, voire assez typique des professeurs du secondaire dans leur ensemble. Certes, leur discipline est particulière, mais ceux et celles qui s’y engagent sont avant tout des enseignants presque comme les autres : plutôt qu’enseignants d’EPS, ils seraient d’abord des enseignants en EPS (de même qu’on dit docteur en sociologie ou maître de conférence en sciences de l’éducation), la préposition en introduisant, selon nous, une nuance qui valorise la discipline EPS tout en affirmant le statut professionnel de l’individu. À la suite, et participant aussi d’une certaine démystification, Bruno Papin fait également état d’une recherche originale, menée dans l’académie de Nantes, en analysant finement les conditions dans lesquelles se déroule l’accès au métier de professeur en EPS. Il montre, en sondant les logiques d’intérêt à l’œuvre, que l’entrée dans le corps des enseignants d’EPS est aujourd’hui davantage le résultat d’une mise en cohérence des trajectoires sociale, scolaire et sportive d’un individu que celui, souvent invoqué, d’une « vocation ressentie » ou d’un « appel irrépressible » pour faire ce métier.
La deuxième partie de l’ouvrage porte sur les enjeux du présent un regard historique. Les modalités de recrutement des professeurs d’EPS depuis une trentaine d’années, infléchies vers davantage de rationalisation, contiennent par exemple ces tendances. Ainsi, Julien Fuchs décortique littéralement l’épreuve de l’écrit 1 du CAPEPS depuis 1979 et analyse comment l’évolution des compétences culturelles que l’on attend de la part d’un futur enseignant d’EPS fait évoluer son profil de professionnalité vers un modèle davantage méthodologique que pragmatique ou savant. La focale est étroite, pourrait-on penser. Cette tendance est, de fait, repérable à une échelle plus large, lorsque l’on considère la place de cet enseignant face aux élèves et que l’on observe ses modalités d’intervention en classe. En bon connaisseur, Jacques Gleyse analyse en quoi, depuis les années 1980, les conceptions dominantes du champ de l’EPS ont évolué. De plus en plus technicisées et « didactisées », elles auraient glissé d’une centration prioritaire sur l’élève et son activité d’apprentissage à une préoccupation davantage axée sur les contenus d’enseignement et les compétences, compétences parfois d’ailleurs bien abstraites, tant pour les enseignants que pour leurs élèves.
Chacun à sa manière, les auteurs précédemment cités enfoncent un coin dans la représentation d’évidence d’un groupe relativement cohérent et unifié, et dans le même temps singulier à plus d’un titre vis-à-vis des autres enseignants. Pour autant demeurent des représentations vivaces, qui participent à n’en pas douter d’un sentiment d’appartenance commune, de l’existence avérée d’une identité collective, avec à la clé des valeurs partagées, des conceptions pédagogiques, des pratiques qui leur sont propres. On sait combien l’identité professionnelle est une construction, un processus jamais achevé, pour se distinguer et s’unir en se nourrissant de ces différences ressenties ou éprouvées. Pourtant, il apparaît assez nettement que les enseignants en EPS sont amenés à vivre leur rapport au métier de manière plurielle. Thérèse (Tizou) Pérez-Roux inaugure la troisième partie de cet ouvrage en analysant justement la pluralité des trajectoires de ces professeurs. Cette diversité tient, selon elle, à la fois à leurs parcours antérieurs, à leurs modalités d’engagement dans le présent et à la façon dont aussi ils perçoivent l’avenir de leur profession. À la suite, Élodie Autret tend à montrer que la construction de la professionnalité, au moment crucial de l’entrée dans le métier, une fois le sésame du concours obtenu, est déjà largement éclatée. Les transformations récentes des modalités du CAPEPS constituent d’ailleurs un bon indicateur de cette évolution de la formation comme de la carrière, où la diversité semble avoir présentement force de loi. S’arrêtant pour ainsi dire sur le même moment, celui où un enseignant en EPS se voit recruté, Dominique Bret fait bien ressortir en quoi la professionnalité recherchée chez les impétrants, vue du côté de l’institution et de ses représentants, a nettement évolué avec la dernière mouture du concours. Désormais, ce qui importe le plus, c’est la valorisation d’un enseignant perçu d’abord comme concepteur opérationnel d’un enseignement pour des élèves caractérisés et référé à une pratique physique exclusivement scolaire. Les concours précédents valorisaient davantage la professionnalité de concepteur d’un enseignement adapté aux caractéristiques d’un établissement et essentiellement nourri par une pratique sportive fédérale.
Dans un tel contexte, comment les pratiques pédagogiques se renouvellent-elles ? La quatrième partie de l’ouvrage s’intéresse à quelques dispositifs et outils permettant aux enseignants de repenser leurs interventions. À lire Jérôme Guérin, une nouvelle vision, fortement teintée de pragmatisme, émerge, en particulier chez les nouveaux enseignants. L’auteur prend appui ici sur l’intérêt que représente un dispositif de formation et d’auto-formation novateur, à même de convenir face aux mutations des publics et, par voie de conséquence, d’un métier jusque-là souvent quelque peu idéalisé. De son côté, et dans le même esprit, Cédric Roure passe au crible l’épistémologie des savoirs scolaires, en partant d’une analyse documentée de publications professionnelles. Il démontre en quoi elles sont autant de ressources potentielles qui ne demandent qu’à être utilisées afin d’aider les enseignants à faire face le plus sereinement possible aux profondes mutations qui, inéluctablement, affectent et affecteront ce qu’il peut en être de leur profession.
Pour clore cet état des lieux, Bertrand Geay, très bon connaisseur du corps professoral, mais pas spécialement du champ de l’EPS, replace sa contribution dans la dynamique plus large du monde des enseignants et notamment des néo-enseignants : ceux et celles qui, frais émoulus de leur école ou université, arrivent tout juste dans ce métier. Il invite ainsi le lecteur à prendre du champ, à ne pas en rester dans un trop petit monde : ce que les jeunes professeurs en EPS connaissent, ce qu’ils ressentent, renvoie à des mouvements de fond généraux qu’il n’est pas vain de rappeler.