Imprimer Revue EP&S n°326 - JUILLET-AOUT 2007

L'ÉVOLUTION DU RAPPORT AU SAVOIR COMME «RÉVÉLATEUR» DE LA LOGIQUE DE PROFESSIONNALISATION.
SIX ÉTUDES DE CAS EN FORMATION INITIALE EN EPS À L'IUFM DE MIDI-PYRÉNÉES

  • Bernard David
  • Code : 70326-64
  • Recherche et formation - À propos de la thèse d'Isabelle Jourdan

La recherche présentée par Isabelle Jourdan prend le fil conducteur du syntagme « rapport au savoir », décliné en rapports aux savoirs et aux APS des futurs enseignants et professeurs stagiaires d'EPS, dans le but d'approcher et d'éclairer des logiques de professionalisation. Plusieurs développements possibles sur le terrain de recherche que constitue le domaine de la formation initiale et continue de ces enseignants sont envisagés. Ce sont des travaux qui peuvent également intéresser la formation des enseignants dans d'autres disciplines scolaires.
L'objet de recherche prend corps dans les questions que se pose chaque formateur lorsqu'il s'interroge sur les étudiants qu'il a à former et les dispositions dans lesquelles ils se trouvent, pour passer à la fois le cap de la réussite au concours et, l'année suivante, celui de la professionnalisation et non plus de la pré-professionnalisation.
Une première difficulté se trouve là, dans le passage du statut d'étudiant à celui d'un enseignant responsable immergé au sein du système éducatif. Avec quels savoirs se pro-fessionnalise l'étudiant puis le professeur stagiaire en EPS ? La centration n'est pas le savoir en tant que tel. mais le rapport qu'entretiennent les formés à un savoir leur permettant d'acquérir tout à la fois un diplôme (le CAPEPS) et les compétences professionnelles nécessaires à l'exercice du métier. Isabelle Jourdan en vient à considérer que le rapport au savoir des formés en EPS est beaucoup plus complexe que ne le laissait supposer une première recherche. Elle fait l'hypothèse que ce processus de professionnalisation traverse les deux années de formation et que d'autre part, il est très singulier, pour ne pas dire propre à chacun. Ces deux constats l'amènent à envisager une recherche clinique, au cas par cas, longitudinale, pour rendre compte d'une dynamique d'évolution au filtre de la première et de la deuxième année de formation.
Dans un premier temps, une étude mobilisant les travaux de recherche portant sur les processus de professionnalisation est habilement menée. En essayant de les référer à différentes théories sous-jacentes, celles-ci sont resituées dans le cadre de la formation initiale, tout en précisant ce qu'est un enseignant d'EPS débutant puisque cette recherche s'inscrit dans un essai de compréhension de ce qui permet de donner forme et statut à cet enseignant débutant. Isabelle Jourdan s'attache à conjuguer des approches issues des sciences de l'éducation afin de mieux préciser ce qu'il faut entendre par rapport au savoir pour les perspectives clinique, psychosociologique, sociologique, anthropo-didactique et didactique professionnelle. Après cet effort de précision de la notion de rapport au savoir compris dans son sens de générique, mais aussi polysémique, en termes de réseau conceptuel (savoir et pratique, savoir et connaissance, savoir et compétences professionnelles, savoir et institution du savoir, savoir et désir, etc.). cette notion est déclinée dans le domaine précis de l'EPS en termes de rapport au(x) savoir(s), couplée avec celle du rapport aux activités physiques, sportives et artistiques ; et ceci du point de vue de la professionnalisation du futur/déjà enseignant, avec le choix mesuré d'une perspective de didactique clinique (Terrisse. 2000).
En contrepoint, l'appel au champ de la sociologie des professions permet de mettre en évidence des conceptions interactionnistes inspirées de celles de Hughes (1970/1996) ou, par exemple, celles plus récentes de Dubar ( 1991, 1994) centrées sur la synergie de construction des identités sociales et professionnelles. Ces derniers travaux sont proches des conceptions cliniques mobilisées par Isabelle Jourdan. Ils mettent à jour une approche dynamique articulant une dimension biographique avec une dimension structurelle des identités, dimension qui cadre bien avec une approche clinique longitudinale intégrant une logique de construction identitaire et de compétences professionnelles. Ces analyses permettent de fonder le dispositif de la recherche, les outils de recueil de données et de justifier les modes de traitement de ces données.
La seconde partie, empirique, présente des données d'entretiens, selon la procédure dite d'étude de cas. Six vignettes sont présentées, avec les deux grandes orientations de traitement de données, le rapport au savoir et aux APSA, dont il est déduit le mode de professionnalisation qu'a suivi chacun des sujets. Ces comptes rendus de travaux sont extrêmement vivants et très riches dans leur description. Plusieurs logiques de professionnalisation sont dégagées à partir des modalités très particulières d'appropriation des savoirs pour devenir professeur. On est frappé à la fin de ces synthèses de constater combien chacun possède sa trajectoire, combien pèsent dans leur façon d'être enseignant, à la fois leur conception du métier, les différentes influences dont ils ont pu se nourrir, leur vécu corporel et surtout combien chacun d'eux présente une logique qui lui est propre et qui tient compte de son passé d'élève et de son rapport à l'activité physique. Cette dernière partie fait oeuvre de construction d'un véritable savoir sur la formation quand sont présentés, dans une perspective comparatiste, des différences et des traits communs à ces six cas.
Les résultats obtenus par Isabelle Jourdan accréditent la thèse que « les logiques de professionnalisation ne peuvent pas être prises indépendamment des stratégies identitaires et des places et rôles successifs du sujet dans les institutions », qu'il faut souligner « le rôle essentiel qu'occupe le conseiller pédagogique dans cette construction identitaire » et qu'enfin, le vécu personnel dans les activités physiques, sportives et artistiques fait qu'« on pratique et que l'on parle pratique », ce qui permet une véritable « incorporation des savoirs ». Le rapport aux « savoirs » et aux APSA est un révélateur, voire un déterminant, des logiques de professionnalisation des étudiants et des professeurs stagiaires. Ces résultats invitent à poursuivre les investigations sur ces interactions porteuses pour la formation des enseignants. Ce travail est également utile aux formateurs, puisqu'il est proposé des perspectives de formation en fin de thèse, contribuant ainsi à l'enrichissement de la réflexion et l'innovation sur la question de la formation initiale et continue des enseignants.

Cette thèse en sciences de l'éducation a été soutenue à l'université de Toulouse III le 16 juin 2006. Le jury était composé de André Antibi. professeur des universités, université Toulouse III ; Marguerite Altet, rapporteur, professeur des universités, IUFM des Pays de Loire ; Michel Caillot, rapporteur, professeur des universités, Paris V ; Bernard David, président, professeur des universités STAPS, université Paris XII ; André Terrisse, directeur de thèse, professeur des universités, IUFM Midi-Pyrénées. Il a accordé la mention très honorable et a tenu à délivrer à la candidate les félicitations orales (l'université de Toulouse III ne reconnaît pas officiellement la mention félicitations).

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