Imprimer Revue EP&S n°365 - Avril-mai 2015

Se déplacer en vélo : un enjeu pour mieux vivre en ville

  • Rédaction EP&S
  • Code : 70365-28
  • Métiers

Avant la Conférence climat de décembre à Paris, la France accueille Velo-city 2015, la conférence mondiale du vélo urbain et des politiques publiques pour son développement.

Après Vienne en 2013 et Adélaïde en 2014, et avant Taipei en 2016, Nantes Métropole a été choisie pour accueillir la conférence mondiale des politiques cyclables et du développement de la pratique du vélo, organisée par l’European Cyclists Federation (ECF)1 qui fédère plus de 80 organisations de 40 pays au monde, œuvrant pour l’utilisation du vélo comme un moyen durable et sain de transport et de loisirs. Nantes est en effet 5e au classement mondial des villes les plus « vélo-friendly » et Euro-capitale verte en 2013. Elle se situe au croisement des Eurovelo 6 et 1, itinéraires majeurs de cyclotourisme. Le congrès Velo-city promeut l’intégration du vélo dans les politiques publiques : la planification des transports, l’aménagement du territoire, la santé publique, l’éducation, l’environnement, l’économie, l’énergie, la citoyenneté...

 

Le vélo dans la ville

Une pratique mondiale diversifiée Comme l’indique Philippe Crist2, économiste et chercheur au forum international des transports de l’OCDE, la pratique du vélo est d’ampleur très différente selon les pays. En Europe par exemple, nous nous targuons d’être en avance… alors que la majorité des cyclistes vivent dans les pays en voie de développement. La pratique du vélo y est, avant tout, motivée par des nécessités économiques. Néanmoins, dans la plupart de ces pays, le vélo se pratique dans des conditions hostiles et risquées et il est généralement considéré comme le transport du pauvre. Aujourd’hui 50 % de la population mondiale (et bientôt 70 %) vit en ville sur moins de 5 % de la surface du globe. Avec cette urbanisation, 80 % des déplacements seront bientôt effectués en voiture dont l’image reste associée à l’indépendance ou l’autonomie… sauf que dès que sa présence se généralise, elle perd ses avantages et génère nuisances et pollutions qui ne sont plus à démontrer. Non seulement l’automobile monopolise l’espace de circulation au détriment des autres modes de déplacement, mais en plus elle est désormais trop nombreuse d’où une congestion quasi permanente de nombreux axes routiers. En un siècle à peine, tout a changé pour les piétons et les cyclistes. En 1920, la ville leur était facile d’accès, ils pouvaient y circuler librement, sans craindre de se faire renverser par une voiture ou d’avoir à faire des détours pour rejoindre leur destination. Aujourd’hui, la mobilité urbaine est contrainte. Aucune ville n’est épargnée : ni les mégalopoles tentaculaires des pays émergents, ni les grandes agglomérations européennes. Par exemple, en dix ans, la population parisienne a diminué de 5 % et l’usage de la voiture dans la capitale intra-muros a reculé de 25 % sur la même période. Mais la mobilité dans l’agglomération parisienne ne s’est pourtant pas améliorée en raison de la forte poussée démographique qui s’est opérée en périphérie où la pratique de la marche à pied et du vélo est moins adaptée. Plus rapide que la voiture et que les transports en commun, surtout pendant les heures de pointe, le vélo est la solution idéale d’autant que le temps de trajet est beaucoup plus prévisible qu’avec les autres moyens de transport. On constate également que le développement de la pratique du vélo renforce l’activité des villes : à Copenhague, les cyclistes dépensent plus dans les commerces de proximité que les automobilistes. Plus largement, le vélo est vecteur de qualité de vie, il facilite les rencontres et le partage. C’est un détail important, lorsqu’on reproche à l’urbanisation d’être génératrice d’isolement et d’individualisme. Enfin, selon l’OCDE, l’humanité cumulera 400 000 milliards de déplacements en 2050, dont 54 000 milliards nouveaux liés à la croissance, et 97 % d’entre eux s’effectueront en ville. Ces chiffres doivent convaincre élus et aménageurs que le développement du vélo est un vecteur d’attractivité, et donc de développement, de leurs villes. Depuis moins de 10 ans, on observe que dans des villes américaines comme Memphis, Chicago, New York, Portland ou Boston, des responsables de jeunes entreprises demandent expressément à bénéficier d’aménagements pour le vélo pour faciliter les déplacements de leurs employés. C’est donc un investissement d’avenir.

 

Pratique massive et aménagements urbains

Les enjeux d’une politique cyclable seraient donc d’atteindre au taux de part modale du vélo dans l’ensemble des modes de transport élevé, comme en Inde par exemple, avec une sécurité voisine de celle que nous recherchons en Europe. Réfléchir le vélo à l’échelle urbaine, c’est s’interroger sur les usages… et les usagers ! Il faudrait donc que le profil des cyclistes corresponde à celui de la population et de sa démographie. Aujourd’hui, dans les pays occidentaux, les cyclistes urbains sont très majoritairement des hommes entre 35 et 45 ans. Pour que tous les autres – les femmes, les enfants et les personnes âgées – passent aussi en selle, le premier levier à actionner est celui de la sécurité. De fait, les villes où la part modale du vélo est la plus élevée sont aussi celles qui offrent les meilleures conditions de circulation aux cyclistes. Le plus souvent, elles ont fait le choix de modérer la vitesse à 30 km/h, ce qui apaise la circulation, la fluidifie et la rend moins mortelle3. Les anglais distinguent accident et collision… pour réduire les effets de ces dernières, il faut résolument diminuer la vitesse car l’énergie cinétique libérée à l’impact augmente avec la vitesse au carré. Travailler sur la vitesse de tous les objets en déplacements dans un espace rapproché est un levier d’autant plus pertinent qu’il permet de régulariser les flux. Selon Ph. Crist4, il est possible d’engager une véritable mutation des villes, comme Séville, en Espagne, qui a réussi à faire passer la part des déplacements à vélo de 1 à 6 % en seulement 4 ans. Pour cela, il faut toutefois cesser de n’écouter que les plus aguerris. Ainsi, à Londres, le choix a été fait de peindre des bandes cyclables pour réaliser les Cycle Superhighways, véritables autoroutes pour vélos pour répondre aux demandes des navetteurs qui roulent déjà à bicyclette. Mais en invitant les cyclistes à emprunter un réseau sans l’avoir d’abord sécurisé, on a généré de nombreux accidents mortels. L’objectif ne doit donc pas être de transformer la ville mais de la transformer suffisamment pour qu’elle devienne assez sûre pour accueillir de nouveaux cyclistes, et de tous les âges. Cela passe par deux actions, des infrastructures cyclables protégées et une réduction significative de la vitesse automobile.

Le vélo, créateur de futur

Sommet mondial du vélo urbain, Velocity repose sur le partage de visions, savoirs et savoir-faire et invite aux échanges de bonnes pratiques en matière de politiques cyclables et sur le vélo comme mode de déplacement régulier et loisir. Plus particulièrement, Velo-city promeut l’intégration du cyclisme urbain dans les politiques publiques largement concernées, y compris la planification des transports, l’aménagement du territoire, la santé publique, l’éducation, l’environnement, l’économie, l’énergie et les droits de l’homme. Velo-city 2015 s’est donné une orientation forte en inscrivant « le vélo, comme créateur de futur » pouvant influencer positivement l’évolution de nos espaces urbains pour la construction des sociétés futures. La programmation 5 privilégiera deux axes transversaux :

• le vélo, outil de la transition positive de nos sociétés vers plus de durabilité ;

• partager l’espace public, condition pour un usage démocratique du vélo reconnaissant un droit essentiel à circuler en sécurité.

750 contributions de près de 58 pays ont été recueillies et feront l’objet de présentation et de débat lors des 11 sessions plénières et des 45 sessions thématiques, autour des aspects économiques, éducatifs, sociaux et environnementaux du développement de la pratique du vélo. En outre, un salon professionnel (produits, services et politiques de mobilité), des animations dans toute la métropole ainsi qu’une étape de la Semaine du vélo à l’école et au collège et des expositions photographiques et performances artistiques rythmeront la semaine. La France s’est fortement engagée dans ce projet et les acteurs institutionnels, associatifs et économiques seront regroupés dans l’Espace France du congrès. En effet, le vélo est un mode de déplacement de plus en plus prisé et un loisir en plein essor, créateurs d’emplois non délocalisables. Il bénéficie du soutien d’un milieu associatif dynamique, de fédérations sportives et touristiques actives et d’élus locaux déterminés à développer son utilisation dans les déplacements au quotidien, notamment urbains. Conscient de l’intérêt des modes actifs pour la santé publique, pour l’apaisement de la circulation, pour le développement du tourisme et des loisirs et pour la sauvegarde de notre environnement, une coordination interministérielle (Écologie et développement durable, Transports, Tourisme, Intérieur, Santé, Industrie, Urbanisme, Sport, Éducation…) impulse le développement de l’usage du vélo dans le cadre du plan d’action « mobilités actives » rendu public le 5 mars 2014.

 

De Velo-city à la conférence climat

Favoriser la pratique du vélo c’est aussi s’engager résolument dans la transition énergétique. Les villes, les métropoles sont des lieux de solutions pour faire face au changement climatique : à elles d’inventer, d’expérimenter des solutions pour y parvenir. C’est pourquoi, la perspective de la 21e conférence des Nations Unies sur les changements climatiques, COP 21, qui aura lieu à Paris en décembre 2015, sera également au coeur des débats. C’est une échéance cruciale, puisqu’elle doit aboutir à un nouvel accord international, applicable à tous les pays, avec l’objectif de limiter le réchauffement mondial en deçà de 2 °C. Occupant la présidence de la conférence, la France doit faire preuve d’exemplarité dans ses ambitions de transformation pour accélérer la transition vers des sociétés et des économies résilientes et sobres en carbone. Comme tous les pays, elle doit élaborer son « Agenda des solutions » avec des actions concrètes. Réusssir le développement de la pratique du vélo dans la cité en est une.

Rédaction EP&S.

Notes :

1. www.ecf.com

2. Vélo & Territoires, n° 38 - Hiver 2015.

3. Ph. Crist, conférence aux 18° rencontres des Départements et régions cyclables de France.

4. Ph. Crist, Interview à La presse + (Canada), 27 mai 2014.

5. Programme complet sur www.velo-city2015.com.

En préalable à Velo-city, l’agglomération de Nantes Métropole a lancé un appel à projets pour inciter
et valoriser des actions citoyennes changeant les représentations du vélo et encourageant sa pratique
régulière. 79 projets ont ainsi été identifiés, dont 23 labellisés ont obtenu un soutien financier.
Parmi eux :
• Aménagements cyclables pour les collégiens (Collège Ernest Renan, Saint-Herblain) : l’objectif
est d’initier les jeunes à la pratique du vélo en effectuant des sorties découvertes dans un
cadre scolaire, en petits groupes en empruntant au maximum les pistes cyclables.
• Éteins la télé et viens pédaler (parents et enseignants de l’école G. Sand, Nantes) : il s’agit
d’organiser des ateliers d’apprentissage, des sorties à vélo dans le quartier avec les familles, ayant
pour objectifs de développer la pratique du vélo sur les trajets domicile-école, de promouvoir
le vélo comme une activité alternative aux écrans, et de favoriser l’autonomie des jeunes
• 80 ans de Vélocité (Association Les 4 sous de Longchamp, Nantes) : à l’occasion des 80 ans de
l’école de Longchamp, construite sur un ancien vélodrome, il s’agit de faire revivre le passé du
site et l’histoire du quartier tout en sensibilisant le plus grand nombre à la pratique du vélo.

Escale nantaise pour la Semaine du vélo à l’école et au collège

En marge du Velo-city et des 1500 congressistes attendus du monde entier, la métropole de Nantes, les services académiques et les fédérations sportives mobilisent le public scolaire dans le cadre d’une escale de la Semaine nationale du vélo à l’école et au collège.

Des ateliers pédagogiques pour 1000 élèves.

Les 4 et 5 juin, 1000 collégiens et scolaires participeront à des ateliers pédagogiques sur le Cyclo Village de Nantes métropole : pistes de prévention routière en lien avec la mobilité à deux roues, quizz interactifs sur la sécurité et les premiers secours, ateliers d’électroacoustique sur les sons des cycles, découverte de vélos libre-service customisés par des artistes, initiation au vocabulaire des mobilités appliqué à l’aménagement urbain. Les établissements s’inscrivent sur la plateforme nationale (lien ci-dessous) et se voient proposer un parcours pédagogique. La métropole nantaise implique également une vingtaine de classes du programme MOBILUS (intervention dans les écoles tout au long de l’année avec le réseau Ecopole).

Les avis juniors collectés ou l’expertise d’usage des jeunes cyclistes.

Un atelier « Avis Junior » valorisera la parole des scolaires dans leurs pratiques de la mobilité sur leur territoire. Chaque école prépare une contribution sur son expérience, ses préconisations pour améliorer la pratique du vélo et le partage de la voirie. Ces avis sont collectés dans le cadre d’une webradio animée par l’atelier Canopé. Un concours d’affiches pour les classes de 6e de Loire-Atlantique accompagne également l’ensemble du dispositif piloté par Nantes Métropole et ses multiples partenaires, notamment la Coordination interministérielle pour le développement de l'usage du vélo qui en a présidé le pilotage.

Plus d’infos sur : eduscol.education.fr/semaine-du-velo

L'auteur : Rédaction EP&S

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